jeudi 28 juin 2012

Melina Mercouri, la dernière déesse grecque

Rares furent les personnalités aussi fortes, explosives, incandescentes et impétueuses que celle de la grande artiste grecque Melina Mercouri. Elle a imposé à l’écran de la vie l’image de la femme volontaire et indépendante avec du chien et un panache rarement égalé. Femme de conviction et de liberté, elle n’a cessé de mener le combat pour la démocratie, surtout lors de la dictature des colonels. Elle s’est également imposée en tant que chanteuse, grâce à quelques mélodies composées par la fameux Manos Hadjidakis qui ont fait le tour du monde. Mélina Mercoúri est née dans une famille de la grande bourgeoisie athénienne : son grand-père, fut un des maires les plus aimés d'Athènes, pendant plus de 30 ans et son père le plus jeune député de Grèce. Elle bénéficie des meilleurs professeurs et apprend toute jeune les langues étrangères. Adolescente, elle s’amourache d’un comédien, à la fureur et à la grande honte de sa famille, inquiète pour la réputation de la jeune fille. En conséquence, c’est en cachette qu’elle suivra ses premiers cours de comédie. Pour fuir le milieu familial, elle épouse à 19 ans un richissime propriétaire terrien
avec lequel elle mène une vie insouciante et tapageuse alors que la seconde guerre mondiale éclate. Pendant l’occupation, elle mène la dolce vita, avec beaucoup d’inconséquence et d’égoïsme, ce qu’elle regrettera amèrement par la suite. Elle entame une carrière de comédienne : ses talents de tragédienne sont vite distingués et reconnus. Forte de son succès, elle fonde même sa propre compagnie théâtrale, mais cette entreprise ne sera pas une réussite. En 1952, elle se rend à Paris où elle rencontre fortuitement l’auteur dramatique Marcel Achard à la terrasse d’un café : De 20 ans son ainé, il devient son amant et son mentor et la présente au microcosme intellectuel du tout- Paris. Il lui écrit sur mesure des rôles de femme dominatrice et flamboyante pour ses pièces de boulevard comme les compagnons de la Marjolaine avec Arletty ou encore le Moulin de la Galette avec Pierre Fresnay et Yvonne Printemps. Le cinéaste grec Michael Cacoyannis, futur réalisateur de Zorba le grec, lui offre son premier rôle au cinéma en 1955 dans Stella, film qui lui apporte d'emblée la notoriété. Elle y incarne une chanteuse de bouzouki femme émancipée, opposée à l’idée du mariage
Pour l’occasion, le compositeur Manos Hadjidakis, la coqueluche du Tout-Athènes, lui compose quelques mémorables chansons qu’elle interprète avec l’autorité et la séduction qu’on lui connait. On raconte que le musicien était fou amoureux de la vedette grecque : à tel point qu’il se serait tourné par la suite vers les hommes, aucune femme ne pouvant soutenir la comparaison avec Mélina ! Au festival de Cannes, Mélina est copieusement applaudie pour sa performance : elle rencontre aussi le réalisateur américain en exil Jules Dassin qui va bouleverser sa
vie ; il deviendra son mari en 1966, et le réalisateur de 8 de ses films. Dassin la met d’abord en scène dans Celui qui doit mourir, réalisé en France d’après le roman de Kazantzaki le christ recrucifié, puis la loi un mélodrame à la distribution très prestigieuse (Montand, Lollobrigida, Mastroianni), malmené par la critique mais gros succès commercial. En 1958, elle incarne une pétulante bohémienne pour Joseph Losey, un autre chassé du maccarthysme, dans un film flamboyant trouvant son inspiration dans les mélos échevelés des années 40 qui avaient fait la gloire de Margaret Lockwood. Mais de nombreuses coupures et remaniement imposés par le producteur vont beaucoup altérer le film. C’est en 1960 que Melina explose véritablement dans le chef d’œuvre de Jules Dassin Jamais le dimanche (1960), un hymne à la vie, drôle et qui lui apporte une gloire mondiale. Prix d’interprétation féminine au festival de Cannes, elle est géniale dans ce personnage de prostituée du Pirée, d’un optimisme
inaltérable, qui rit chante et danse avec effusion. L’air principal du film « les enfants du Pirée », que Melina fredonne dans le film, est encore signé Hadjidakis, connaîtra un succès foudroyant et durable et sera repris dans toutes les langues (en France par Dalida notamment). Il semblerait sue le musicien voulait à l’origine que la débutante Nana Mouskouri double la vedette pour la chanson et que Melina, vexée, l’aurait très mal pris. La nouvelle star internationale va dès lors tourner des films aussi bien en Espagne, en Italie qu’à Hollywood. Elle est très applaudie dans Phèdre(1962), transposition de la fameuse tragédie grecque à l’époque actuelle. Les journalistes sous le charme ventent « sa beauté un peu marquée, son frémissement intérieur, son allure royale et sa dignité passionnée ». Mais c’est sans doute la comédie policière Topkapi (1964) de Dassin (sur le vol d’une
épée de diamant dans le musée de Topkapi) qui marqua le plus les esprits. Inventif et léger, extrêmement distrayant, le film est un régal et Melina superbe. Elle interprète des airs d’Hadjidakis, là aussi très réussis. Si la comédie policière D pour danger (1966) comporte une chanson encore plus connue (strangers in the night par Frank Sinatra), elle n’est hélas pas du même calibre. En 1967, Dassin accepte de transposer jamais le dimanche en comédie musicale à Broadway « Ilja darling », où Melina se taille encore un beau succès personnel (320 performances). C’est alors qu’éclate un coup d’état en Grèce qui installera pour 7 ans la dictature des colonels. Melina, révoltée condamne haut et fort la prise de pouvoir par les militaires. En échange, elle sera destituée de sa nationalité et obligée de s'exiler en France. Elle décide alors d’utiliser sa notoriété au service de son opposition au nouveau régime en place. Dans des tournées internationales, elle se fait dès lors le chantre de la résistance grecque à la dictature. Elle sera même faussement accusée en 1970 d'avoir financé une tentative de renversement de la dictature.
En 1971, avec le soutien de son beau-fils Joe Dassin, Melina enregistre un disque de chansons en français. Dès la chute de la dictature, en 1974, Melina rentre en Grèce où elle entame une carrière politique qui l'amène à progressivement arrêter le cinéma. Elle sera successivement députée du Mouvement socialiste panhellénique pour Le Pirée en 1978 et Ministre de la Culture de 1981 à 1989 puis de 1993 jusqu'à sa mort. Melina Mercouri, a aussi été un soutien actif de François Mitterrand lors de la campagne de 1981. Elle s’allie à Jack Lang pour planifier un programme sur le patrimoine méditerranéen. On lui doit notamment l’idée de nommer chaque année une ville comme capitale culturelle européenne. Elle s'est battue notamment, mais sans succès, pour le retour des frises du Parthénon, exposées au British Museum, en lançant un appel passionné en 1983. Elle a également signé à Paris un accord avec des ministres de la culture de plusieurs pays Européens comme François Léotard pour aider le cinéma du vieux continent face à l'hégémonie du cinéma Américain (en Grèce, on visionne 70% de films américains !). Fumeuse invétérée,
Melina est décédée d’un cancer des poumons en 1994.

Véritable symbole de la Grèce et de la liberté, elle demeure une personnalité hors du commun, fière, instinctive et virulente, qui excède de loin le strict paysage cinématographique. Peut être parfois excessive, mais toujours sincère : une grande artiste à redécouvrir.

2 commentaires:

  1. Les enfants du Pirée!!
    ça me touche beaucoup, sa voix mais aussi la musique de Hatzidakis.
    Musique eternelle.

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