mardi 26 juin 2012

Jeanne Aubert, irrésistible étoile de la revue internationale

Personnalité extravagante, fantaisiste irrésistible à l’incroyable abattage, Jeanne Aubert avait plus d’une corde à son arc et ne reculait devant aucun défi. Cette jolie parisienne toute blonde à la bouche en cœur est parvenue à enflammer non seulement le public parisien mais aussi les scènes de Broadway et de Londres en se produisant dans des musicals qui ont marqué leur époque. Populaire vedette de la chanson, sa voix très haut perchée a porté au succès aussi bien de jolies sérénades que des refrains gouailleurs et coquins. Par manque de chance et de bons metteurs en scène, Jeanne Aubert a sans doute moins marqué le 7ème art, mais ce ne fut pas faute d’essayer. Née à Paris en 1900 d’une maman "vendeuse de fleurs" et de père inconnu (plus tard, elle prétendra que son papa était un aristocrate), Jeanne Aubert aurait commencé à faire du théâtre dès l’âge de 5 ans, si l’on en croit ses dires. Après avoir suivi des cours de chant, elle se produit dans la revue Miousic en 1920. De simple girl, elle devient rapidement meneuse de revue. La même année, elle fait ses premières armes au cinéma muet dans un film considéré comme perdu. Elle se produit ensuite dans une revue de Mistinguett, au Casino de Paris. Dès 1924, elle se produit aux midnight follies de l’hôtel métropole, le cabaret le plus en vue de Londres. En 1925, au Concert Mayol, dans la revue Très excitante de Varna, elle entonne "Si par hasard tu vois ma tante", un air gouailleur et entrainant qui fait d’elle une grande vedette du music-hall. Ambitieuse et déterminée, Jeanne Aubert accepte de se rendre en Amérique pour jouer dans une revue opportunément appelée Gay Paris, où la petite française doit jouer et chanter en anglais. Mais c’est surtout dans Good news de Sigmund Romberg, que Jeanne Aubert va vraiment connaître le succès (500 représentations entre 1927 et 1929 !). Certains airs de ce fameux musical sont encore connus de nos jours (on se rappelle notamment d’une très bonne version filmée « Vive l’amour » en 1947 avec June Alysson). L’artiste tente alors de ramener la formule dans ses bagages, mais la version française de ce musical, trop américain dans l’esprit peut-être, ne remportera pas le succès escompté en France. Sur tous les fronts, Jeanne Aubert tente à nouveau sa chance au cinéma : A Paris, en 1929, elle tourne dans La possession, une réalisation de Léonce Perret (d'après la pièce d'Henri Bataille) dont la vedette est la diva italienne Francesca Bertini qui faisait son grand retour après quelques années de silence. La jolie blonde est très remarquée et le journal Cinémagazine lui promet une brillante carrière et les meilleurs espoirs. C’est alors qu’elle rencontre Nelson Morris,le fils héritier du roi du corned beef américain, qui compte envahir le marché français : il aurait eu le coup de foudre en visionnant La possession ! Jeanne l’épouse mais ne peut se résoudre à abandonner la scène comme son mari lui demande. Sans son consentement, elle reprend le chemin du music hall et les échotiers craignent un drame (le riche époux voulait acheter toutes les places du théâtre pour empêcher Madame de faire son show !) Cela finira par un divorce très médiatique dont on a même parlé dans les manuels de droit international (la star réclamait une pension alimentaire de 1000 dollars par semaine). Jeanne enchaîne les revues musicales aux USA dans des spectacles signés par des noms aussi prestigieux que Rodgers & Hart, Harry Warren ou Sigmund Romberg. Dans la distribution d’un des shows figure Bob Hope, future star du cinéma américain. En Angleterre, elle récolte des critiques encore meilleures en jouant face à Dennis King dans Command performance (1933) : si le spectacle est jugé « ni très excitant, ni très amusant », on applaudit « sa voix magnifique ». Parallèlement, elle tourne, à New York deux courts métrages musicaux de Roy Mack : le rêve de l’océan et the Mysterious Kiss. En 1935, c’est le retour en France d’une vedette auréolée par un vrai succès américain, comme peu de ses consoeurs en ont connu. Elle n’a aucun mal à reconquérir son public français, grâce à la chanson. C'est une petite étoile est sur toutes les lèvres de même que le tango si tu reviens également chanté par Réda Caire. La même année, Jeanne Aubert joue dans la version londonienne du musical de Cole Porter, Anything Gœs .Elle n’y fera pas sensation comme Ethel Merman aux USA . Si elle chante avec énergie « blow gabriel blow » ou « you’re the top », certains lui reprochent pourtant de mal articuler ses chansons et de ne pas du tout convenir au rôle. Jeanne Aubert fait surtout son retour au cinéma, ou en trois ans, elle enchaîne les comédies légères et théâtrales…de médiocre qualité. Qu’il s’agisse des Epoux scandaleux de Georges Lacombe (1935), d’une femme qui se partage de Maurice Cammage (1936), de La souris bleue (1936), avec Henry Garat, on nage dans le vaudeville. Dans Passé à vendre de René Pujol (1935), elle incarne une ancienne femme légère qui veut publier ses mémoires, ce qui inquiète ses nombreux amants. Si Le grand refrain (1936) est signé Robert Siodmak, cette biographie sirupeuse dont la vedette est Fernand Gravey n’a rien de remarquable hormis un passage inspiré des chorégraphies de Berkeley. Mirages(1937), dans lequel elle joue une meneuse de revue des « Folies-Bergère » lui donne l’occasion de jouer avec des pointures aussi grandes que Michel Simon, Jean-Louis Barrault et Arletty. Le film , dans lequel Jeanne interprète 2 chansons, ne sera pas un succès pour autant et disparaîtra si vite des écrans qu’on tentera de le ressortir sous un autre titre quelques lois plus tard comme si de rien n’était ! (le film sortira en VHS dans les années 80). En somme, Jeanne a beaucoup plus de succès en tant que chanteuse de music- hall : une divette qui déroute quand elle passe d’une romance du style « je t’aime c’est tout » au plus coquin « mon cul sur la commode ». En tous les cas, les deux chansons auront autant de succès ! En 1942, Jeanne remporte le plus gros triomphe de sa carrière au théâtre Mogador dans La Veuve joyeuse de Franz Lehar, dans une mise en scène d'Henri Varna, aux côtés de Jacques Jansen : 63o représentations et pour beaucoup de critique la meilleure interprétation de la veuve : les éloges pleuvent : « incomparable, belle, racée, voix exquise ! ». On est alors en pleine occupation, et certains seront choqués par le faste du spectacle et les tenues éblouissantes de la vedette (n’avait-elle pas remporté un premier prix du chic à New York, en 1935 et à Londres en 1936 et 1937 ?) Après-guerre, si l’artiste se produit encore dans les music-halls et quelques vaudevilles, son répertoire semble déjà très démodé. De toute façon, elle n’a aucun souci d’argent, car elle partage la vie du richissime Olympe II Hériot, passionné de chasse à courre. On les voit souvent ensemble au Vésinet où Jeanne Aubert possède sa résidence secondaire le Château des Tourelles (un cadeau de son amant qui sera démoli en 1991). En 1953, Hériot décède au domicile parisien de sa maîtresse en lui lèguant 100 hectares du domaine de La Boissière, près de Rambouillet. Jeanne Aubert renoncera pourtant purement et simplement à ce legs . En 1957, Jeanne fait un étonnant comeback au cinéma dans Sénéchal le magnifique de Jean Boyer , un Fernandel de bonne facture, souvent rediffusé à la télé, où elle donne une prestation particulièrement drôle et mémorable en femme de militaire nymphomane . Par la suite, elle paraîtra encore dans quelques films et au théâtre Dans Après la chute d'Arthur Miller sous la direction de Luchino Visconti ! Elle trouvera son dernier rôle dans un feuilleton télévisé, Madame êtes-vous libre ? avec la speakerine Denise Fabre : là aussi, sa pétulance et son entrain font qu’on la remarque ! Richissime et extravagante, Jeanne Aubert vivait entourée d’innombrables souvenirs et d’oiseaux empaillés. Infiniment drôle et décalée, Politiquement, la chanteuse a toujours eu une nette préférence pour la droite,. Il semble qu’avec les années, ses idées se soient radicalisées : aussi à la fin de sa vie, elle faisait partie des rares artistes du comité de soutien de Jean-Marie le Pen, le président du FN. Jeanne Aubert est décédée en 1988, dans une maison de retraite de la région parisienne. Pour tenter de redécouvrir cette artiste très oubliée et donc une chanteuse intellectuelle comme Cora Vaucaire admirait l’éclectisme et la personnalité, il reste un double CD publié chez Marianne mélodie qui comporte notamment la version française de Solitude de Duke Ellington.

3 commentaires:

  1. Grivois et inusité,excellente Chanteuse Gaby Morlay la 2 e et
    Jeanne Aubert la 1 e

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  2. et rien sur"mon cul sur la commode"? son plus grand succès!

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