mercredi 30 septembre 2009

Amalia Rodrigues, la reine du fado






Personne n’a mieux chanté le fado , ce chant mélancolique portugais qui prend à la gorge en exprimant le mal de vivre, la passion, la jalousie, la nostalgie et le désespoir que la légendaire Amalia Rodrigues qui a donné à ce genre musical issu des milieux les plus misérables ses lettres de noblesse et une renommée internationale. Poignante, digne et magnifique, cette chanteuse d’une grande présence et d’une beauté incontestable a si bien su incarner incarner l’âme portugaise à travers ses chansons qu’elle a rapidement gagné un statut incomparable dans son pays, et que même plusieurs années après son décès aucun artiste ne l’a vraiment remplacée dans le coeur des portugais.
Née en 1920 dans une famille extrêmement pauvre, la petite Malia été contrainte d’interrompre très tôt sa scolarité pour aider sa famille et travailler en repassant des vêtements. A 18 ans, la jeune femme remporte un concours de chant , puis dégote un engagement dans une boite à fado du quartier de l’Alfama à Lisbonne, accompagné à la guitare par celui qui va devenir son premier mari. Alors que la capitale du Portugal est devenue une plaque tournante de l’espionnage en pleine seconde guerre mondiale, la chanteuse, remarquée pour la forte émotion dont elle habite ses interprétations, grimpe rapidement les échelons de la gloire. Fraîchement divorcée, elle chante à présent dans les cabarets les plus huppés de la ville et gagne très bien sa vie. En 1944, elle se rend en tournée au Brésil et enthousiasme le public. Avec un tel succès et une si grande beauté, il était inévitable qu’Amalia croise un jour le chemin des studios de cinéma : son premier film, une romance musicale dans le milieu estudiantin de Coimbra, illustrée d’une quinzaine de chansons est un succès sans précédent au Portugal, où la production cinématographique a toujours été très réduite. En tenant l’affiche plus de 22 semaines, le film bat tous les records d’exclusivité. Amalia joue ensuite dans un film, apte ment dénommé fado (1948). Un mélo à l’ancienne, où elle tient un peu son rôle: celui d’une femme très pauvre, qui grâce à sa voix et son talent devient une grande vedette fêtée par la haute société. Évidemment, comme souvent dans ce type de films, l’argent ne fait pas le bonheur et elle s’éloigne de l’homme qu’elle aimait, tandis que la fillette qu’elle protégeait meurt sans qu’elle puisse se rendre à son chevet, ce qui lui vaut d’être rejetée par ses proches. Malgré son coté misérabiliste, le film retient l’attention grâce au charisme de la chanteuse , particulièrement photogénique. Les fados (surtout le principal, absolument superbe) et le flamenco qu’elle entonne en espagnol ont absolument superbes.
Antonio Ferro le ministre de la culture de la dictature de Salazar, l’encourage alors à chanter à l’étranger. Un de ses fados, Coimbra repris en français par la chanteuse de charme Yvette Giraud devient un tube en France et même aux États-Unis (par Vic Damone). La même Yvette Giraud reprend avec un succès presque égal Cancao de mar (sous le titre trop de joie), un titre dont la pérennité sera grade car Hélène Ségara le reprendra 50 ans plus tard (sous le titre elle tu l’aimes).
Son succès au Mexique lui vaut un engagement aux USA, où grâce à son agent elle assiste au tournage d’une partie d’une étoile est née avec Judy Garland. La chanteuse sera choquée en constatant que la même scène est rejouée 17 fois, alors que dans les studios portugais où la pellicule était rare, la première prise était toujours la bonne.
En tous les cas, même en reprenant les cènes 17 fois, rien ne pouvait sauver de la convention, Sangue toureiro (1958) un mélo portugais en couleurs où Amalia faisait perdre la tête à un jeune homme qui quittait l’exploitation des terres familiales pour sa belle artiste, en gagnant sa vie comme toréador. Finalement, pour ne pas contrarier son avenir, la chanteuse acceptait de s’effacer tout en devenant star international. Heureusement, les chansons (y compris une sorte de tcha tcha endiablé) et la digne présence de l’artiste sauvaient cette carte postale colorée de la catastrophe.
Trois ans avant, la chanteuse avait fait forte impression en chantant barque negro (air repris en France par la nouvelle venue Dalida) dans le film d’Henri Verneuil les amants du Tage . Aznavour, sous le charme, lui compose mourir pour toi et lui ouvre les portes de la gloire en France.
Désormais, Amalia Rodrigues est devenue une star internationale hautement respectée qui triomphe dans chaque pays qu’elle visite : en Italie, son succès est tel qu’elle enregistre même des airs folkloriques du cru, en Angleterre, elle reprend quelques standards de jazz comme the nearnest of you (superbement) ou un air du musical Oliver. En France, elle fait un succès de sa maison sur le port en 1969 et chante Inch’allah d’ Adamo. Coté cinéma, la vedette profite de ses escales mexicaines pour paraître en guest star dans deux revue musicales comme musical de siempre (1958) ou las tancions unidas (1960) dont elle partage l’affiche avec des stars internationales comme Piaf, Yma Sumac, Lola Beltran ou Jacqueline François.
Mais il semblerait que son meilleur film demeure les îles enchantées, une adaptation d’Herman Melville avec Pierre Clémenti, où sa présence et sa beauté semblent enfin utilisés à bon escient.
On peut regretter qu’avec une telle aura, l’artiste n’ait pas mené une carrière à l’écran à la Magnani, dont elle avait l’autorité et la fougue.
En 1974, après un coup d’état militaire, le gouvernement de Salazar est renversé. Amalia, qui a joui d’une immense popularité pendant ses années sombres, sans jamais profiter de sa notoriété à l’étranger pour dénoncer la dictature, est alors vivement critiquée par la gauche. Meurtrie par ces attaques , la vedette sombre dans la dépression. On ajoutera au passage que cette dernière a toujours été en proie au mal de vivre depuis son adolescence multiplié les tentatives de suicide.

Finalement, au bout de quelques années, la star va retrouver son prestige d’antan, en se consacrant le plus souvent à l’écriture des textes de ses nouvelles chansons. A son décès en 1999, alors qu’elle venait tout juste de finir une longe interview pour un documentaire sur sa vie, un deuil national sera même proclamé pour 3 jours. Elle demeure dans son pays une immense star dont l’ombre plane toujours sur les rives du Tage . A Lisbonne, un magasin de disques à son nom propose un grand choix de ses enregistrements (notamment un coffret comprenant ses enregistrements en espagnol, français, anglais, italien) et quelques uns de ses films, sous titrés en français.

vendredi 11 septembre 2009

Margaret Whiting, la voix romantique des années 40








Si Margaret Whiting, une des plus populaires chanteuses américaines a fait très peu de cinéma, celle dont Mel Tormé ventait la musicalité, la chaleur et la sincérité de ses interprétations a cependant enregistré beaucoup de chansons de film (elle s’est même hasardée à une version vocale du thème d’Autant en emporte le vent) et parfois joué les doublures vocales.

Née en 1924, Margaret est la fille de Richard Whiting compositeur de chansons de nombreux films des années 30 comme Monte Carlo, une heure près de vous et d’animal crackers in my soup , un tube de la petite Shirley Temple ou encore de l‘inusable hooray for Hollywood. Jerome Kern et Harold Harlen étaient fréquemment invités à la maison, ainsi que sa marraine Sophie Tucker.
Johnny Mercer, fidèle collaborateur du papa, qui vient de fonder une toute nouvelle compagnie discographique, la firme Capitol, lui propose d’être la première chanteuse à enregistrer pour lui une de ses nouvelles créations, pour un salaire dérisoire. That old black magic (1942) est un tube instantané (la chanson sera reprise moult fois à l’écran notamment par Bing Crosby en 1944 et par Jerry Lewis dans Dr Jerry et Mr Love). Invitée récurrente des shows de Bob Hope et d’Eddie Cantor, Margaret parvient à classer presque tous ses titres au hit parade. Il s’agit souvent de chansons de films, comme it might as well in spring de la foire aux illusions (1946), son plus grand tube, et le titre de son autobiographie. L’artiste l’interprète avec beaucoup de fraîcheur, d’innocence et d’optimisme. En 1949, la chanteuse qui partage brièvement la vie de l’acteur John Garfield enregistre « forever and ever ». L’adaptation française par Line Renaud obtient un tel succès que beaucoup pensent encore qu’il s’agit d’un air du folklore savoyard. Personnellement, je préfère son adorable version de my foolish heart du film Tête folle avec Susan Hayward ou son duo comique avec Johnny Mercer sur la chanson du film la fille de Neptune. Dans les années 50, Margaret Whiting joue dans une sitcom à la télé avec sa sœur Barbara, sans beaucoup de succès. En 1956, elle est la vedette d’une comédie musicale bas de gamme produite par l’United artist « Fresh from. Paris » : les numéros de la revue sont si mal filmés et mal cadrés qu’on dirait de la télévision en direct. Les chansons sont quelconques, Margaret joue de façon peu convaincante et n’est guère photogénique (la belle Martha Hyer n’a pas de mal à l’éclipser).
A la fin des années 50, le répertoire de Margaret, essentiellement composé de ballades romantiques n’est plus dans l’air du temps. La chanteuse parvient pourtant à placer quelques titres à l'ancienne dans les charts comme « it hurts to say goodbye » en 1966, que Gainsbourg traduira et arrangera à sa façon sous le titre « comment te dire adieu » pour Françoise Hardy. Il est amusant et incroyable de constater à quel point il a pu modifier cette grande ballade hollywoodienne noyée sous les violons en mélodie pop très sixties. En 1968, Margaret Whiting est engagée comme doublure vocale de Susan Hayward pour la vallée des poupées, un film camp pas très bien joué adapté d’un roman crash à succès. Judy Garland devait à l’origine tenir le rôle échu à Susan (et son enregistrement du titre "I plent my own tree" montre que la grande star n’était plus en forme).
Dans les années 70, Margaret a chanté dans des cabarets ou joué dans des musicales sur scène (Annie reine du cirque, girl crazy). Après plusieurs mariages ratés, son union avec Jack Wrangler, une star du porno gay, beaucoup plus jeune qu’elle, reconvertie ensuite dans le porno hétéro (après sa rencontre avec Margaret?), puis la comédie musicale, a fait hausser plus d’un sourcil.
En tous les cas, la chanteuse a toujours clamé qu’elle n’avait jamais aussi bien été avec un homme . A l’âge de 76 ans, elle a poursuivi devant les tribunaux la ville de New York après avoir glissé sur un trottoir , en demandant 3 millions de dommages et intérêts, car la blessure l’empêchait d’avoir des relations conjugales avec Jack…
Depuis le décès de son mari au mois d’avril 2009, Margaret a cessé ses activités professionnelles. Elle a déclaré : « sans être Judy Garland ou Paul Newman , je suis allée partout et j’ai tout vu. Et je ne cesse d’apprendre de nouvelles choses ». Elle vient de nous quitter à son tour en janvier 2011.

mercredi 9 septembre 2009

Juliet Prowse, toute en jambes










Avec ses grands yeux lui mangeant le visage, une frimousse à la Leslie Caron, des jambes aiguisées et flexibles comme les pointes d’un compas, la danseuse Juliet Prowse avait quelques bonnes cartes dans son jeu pour se faire une place sous le soleil hollywoodien. Hélas, l’âge d’or du musical touchait alors à sa fin, et la copine de Frank Sinatra et d’Elvis Presley dut se rabattre sur les cabarets et les music halls pour poursuivre sa carrière.

Née à Bombay (Inde) en 1936, Juliet Prowse a passé son enfance en Afrique du Sud et fait ses premières armes au festival de Johannesburg avant de partir poursuivre ses études à Londres. Son ascension dans le monde du show business est très rapide :
Dès l’âge de 19 ans, elle tient le rôle de la princesse dans l’opérette Kismet- l’étranger au paradis et obtient un succès instantané. Après avoir dansé dans un cabaret topless de Paris, elle est remarquée par le chorégraphe Hermes Pan , qui ébloui, s’arrange pour la faire venir à Hollywood. La Fox lui signe un contrat pour remplacer Barrie Chase dans la version filmée de l’opérette Can-Can de Cole Porter (1960). Le président Khrouchtchev, alors en visite sur les plateaux de la Fox, fit une publicité inattendue au film; en déclarant avoir trouvé la chorégraphie « immorale». En fait, le film est bien décevant en dépit de ses immortelles chansons, et Shirley Mac Laine pas vraiment à son aise dans le rôle principal. Si les critiques fusent, Juliet s’en sort avec les honneurs et surclasse de loin la star rousse dans les numéros dansés (le numéro Adam et Eve). Son idylle avec Frank Sinatra s’étale sur les journaux people, pendant qu’elle joue aux cotés d’Elvis Presley dans café Europa en uniforme (1961), un véhicule sur mesure taillé pour le King dans lequel elle partage un duo avec l’idole. Là aussi, la danseuse tire son épingle du jeu et certains journaux la présentent comme la star de demain. Alors qu’elle sort avec Sinatra, on lui prête parallèlement une liaison avec Elvis, et la Fox souhaite à nouveau les réunir à l’écran…
Pourtant, la machine va très vite s’enrayer. La jeune actrice se révèle capricieuse et exigeante : elle refuse le rôle, pas assez valorisant, quelques jours avant le tournage, s‘attirant la foudre des producteurs. Ces derniers ne feront rien pour promouvoir la suite de sa carrière.
Les révoltés du Cap (1961), qui met en scène platement la lutte entre les boers et les zoulous au milieu du 19ème siècle, permet à l’actrice de retrouver son pays et sa famille et la coqueluche de l’Arizona (1961) une comédie avec un rôle taillé sur mesure pour Debbie Reynolds où Juliet ne joue que les faire valoir. Destiné à établir le crooner britannique Frankie Vaughan à Hollywood après son essai dans le milliardaire, the right approach (1961) avec ses insipides chansons n’atteindra pas son but.
En 1962, l’actrice rompt avec Presley pour se fiancer avec Sinatra…avant de le quitter quelques semaines plus tard. Le célèbre crooner, échaudé par l’échec de son mariage avec Ava Gardner, voulait que Juliet abandonne sa carrière. Elle se consolera dans les bras du crooner Eddie Fisher, l’infidèle mari d’Elizabeth Taylor, connu pour ses multiples aventures. De retour sur les planches, elle se produit dans différents shows à Las Vegas, dont certains spécialistes soulignent le mauvais goût.
On annonce alors à grand renfort de publicité qu’elle sera la vedette d’une sitcom à la télé. Pourtant la nouvelle Lucille Ball disparaît vite des grilles de programmation.
De retour sur grand écran, on la retrouve dans un petit polar camp « Who killed Teddy bear?« avec Sal Mineo, dans le rôle d’un psychopathe et maniaque sexuel (qui a acquis un statut de film culte auprès du public gay et des amateurs de bizarreries en raison de son audace ). Juliet Prowse n‘a jamais été aussi sexy que dans son numéro de danse avec Sal Mineo, qui compte parmi les meilleurs de toute sa carrière.
Le tournage de Dingaka le sorcier, film d’aventure de série B, lui donne à nouveau l’occasion de retourner en Afrique du sud. On l’aperçoit aussi dans une comédie italienne (mes femmes américaines) avec Ugo Togniazzi et Marina Vlady. Spree (1966) est un documentaire sur Las Vegas by night avec des extraits de numéros de cabarets du crooner Vic Damone, de la revue menée par Jayne Mansfield ou du show de Juliet, en Cléopatre.
De moins en moins demandée au cinéma, la danseuse est en effet retournée sur les scènes de music hall, et remporte un franc succès dans la version londonienne du musical Sweet charity, qui lui vaudra le prix de la meilleure danseuse. Elle est aussi une bonne cliente des shows télé car elle chante presque aussi bien qu’elle danse, comme le prouve son admirable prestation dans un show de Burt Bacharach où elle chante un medley des Beatles avec une grandiose Dusty Springfield et une Mireille Matthieu pas à sa place. La danseuse fait aussi beaucoup de spots publicitaires pour des cosmétiques.
En 1989, lors d’un gala de l’union des artistes, elle manque de se faire dévorer par un fauve (une pareille mésaventure était arrivée en France à Jacqueline Dulac). Jusque dans les années 90, Juliet Prowse a animé des compétitions de danse de salon et joué dans des musicals comme Mame ou sugar babies (en reprenant la place d’Ann Miller), malgré ses problèmes d‘arthrite. Atteinte d’un cancer du pancréas, elle nous a quitté en 1996.
Dommage que le cinéma ne nous ait pas donné davantage l’occasion d’admirer celle qui fut selon son amie Barbara Eden « l’une des plus grandes danseuses de tous les temps ».






mardi 8 septembre 2009

Mervat Amine, le plus beau sourire de l'Egypte



Après avoir débuté aux cotés des deux plus fameuses étoiles du cinéma musical égyptien, Abdel Halim Hafez et Farid El Atrache, la ravissante Mervat Amine s’est rapidement imposée comme une des principales stars du cinéma égyptien des années 70 et 80, établissant la jonction entre un cinéma populaire et sentimental, et des films davantage encrés dans la réalité quotidienne. Son visage tranquille, sa grâce et sa douceur, et sa voix un peu cassée la démarquent d’emblée des vamps un peu vulgaires du cinéma égyptien de cette époque, et ses qualités de comédienne n’ont cessé de s’affirmer au cours de sa longue carrière dans des rôles plus nuancés, même si son coté trop limpide et son jeu intériorisé n’ont pas toujours été bien exploités.

Née en 1948 en Haute-Egypte, Mervat Amine est la fille d’un ophtalmologiste. Fascinée par les films américains qu’elle découvre à la télévision, le jeune fille rêve du monde du cinéma tout en poursuivant à la faculté des études d’anglais qui ne la passionnent guère. C’est finalement par hasard qu’elle débute dans Ames perdues d’Ahmed Mazhar, en accompagnant une amie sur les plateaux de tournage. Il est probable que son look très occidental (sa maman est écossaise) lui a été d’un grand secours (le public arabe étant fasciné par les actrices « exotiques » comme Myriam Fakhr el Dine qui ressemblait un peu à Grace Kelly). Son élégance et sa douceur sont d’emblée remarqués. Elle participe ensuite au Procès 68 (1968) de Salah Abouh Seif, précurseur du cinéma réaliste égyptien , qui a souvent travaillé avec le grand romancier Naguib Mahfouz. En évoquant des querelles d’un quartier du Caire, résultant de la vétusté de certains appartements, le film prend partie pour la jeunesse et les classes défavorisées en offrant une image réaliste de la capitale égyptienne.
Le mythique chanteur Abdel Halim Hafez, au sommet de sa gloire, remarque la douce Mervat dans un film d’Hussein Kamal et l’engage illico pour son nouveau film Mon père sur l’arbre. Cette comédie musicale résolument moderne, qui aborde avec une certaine audace des thèmes comme le sexe avant le mariage, et dans laquelle les principaux protagonistes chantent sur la plage en maillot de bain, attirera la foudre des conservateurs mais remportera un succès sans précédent (le film demeure un des plus gros succès commercial de l’histoire du film égyptien). Abdel Halim y incarne un étudiant (dont il n’a plus l’âge) en pleine santé, épris de la jeune et prude Mervat, qui se laisse prendre dans les filets de la voluptueuse et vénale Nadia Lotfi. Les passages chantés par le chanteur sont superbes et Mirvat, délicieuse dans son rôle de jeune fille fraîche et raisonnable. L’immense succès du film va cantonner pendant plusieurs années Mirvat dans ce genre de personnage.

Elle alterne alors des films ambitieux comme Conflit sur le Nil de Hussein Kamal (1972) qui dépeint la décadence de la société égyptienne sous Nasser (il évoque l’usage de la drogue dans la haute société cairote et sera d’ailleurs interdit dans de nombreux endroits, y compris en Europe!) avec des romances commerciales plus faciles comme les mélodies de ma vie (1974) qui sera le dernier film du légendaire Farid el Atrache, et dans lequel elle donne aussi la réplique au populaire comédien Hussein Fahmy , son futur mari. Elle y fait montre non seulement de son charme habituel mais aussi d’un joli talent pour la danse en participant à quelque ballets avec infiniment de grâce, de sensualité et de distinction.
On la retrouve aussi dans les farces populistes et franchement pas subtiles interprétées par Adel Iman, acteur comique très aimé du public qui se retrouve dans ses personnages de petit homme pris dans les rouages de la société moderne.

Petit à petit, la star va faire évoluer son personnage en abordant le plus souvent aux cotés de son mari Husein Fahmy, des rôles plus sexy et provocants, mais tout en gardant une touche de classe et de sophistication que pourraient lui envier Nadia el Gindi et d’autres vedettes du moment, qui confondent souvent sensualité et vulgarité. Elle effectue un strip tease presque intégral pour Rushdy Abaza dans une scène particulièrement osée dans d’un derniers films du fameux séducteur.

Sans avoir la technique de pro de la danse comme Samia Gamal ou Naima Akef, elle sait onduler à l’occasion avec infiniment de séduction.
Dans les années 80, sa rencontre avec le réalisateur Atef el Tayeb, lui permet de changer radicalement d’univers après les comédies coquines aux clins d’œil un peu trop convenus. Dans le chauffeur d’autobus (1980), Mirvat lutte avec son mari pour sauver la petite entreprise de ce dernier.
En 1988, Mervat trouve son meilleur rôle dans l’épouse d’un homme influent, un drame réalisé par Mohamed Khan, réalisateur de la nouvelle vague, très intéressé par l’influence du milieu social et de l’environnement sur l’être humain. Elle est juste et touchante en épouse d’un autoritaire et irascible commissaire de police, qui se réfugie dans l‘écoute des chansons de sa jeunesse.
L’année suivante , elle est la partenaire d’Omar Sharif dans le marionnettiste, un film engagé sur les dus fonctionnements de l’État.

En 2001, l’actrice a joué le rôle de l’épouse du président Sadate dans une biographie dominée par une excellente interprétation d’Ahmed Zanki (même si la plupart de ses scènes ont été coupées lors des rediffusions télévisées).
Mariée et divorcée 4 fois, Mervat Amin n’a rien perdu de sa séduction, même si on la voit désormais davantage à la télévision (feuilleton le cerf-volant) qu’au cinéma. Une belle artiste, qui a su prendre les virages d’un cinéma et d’une société en pleine mutation, même si on peut regretter que son talent n’est pas été davantage exploité. Comme beaucoup d’autres stars du cinéma, du sport et de la politique en gypse elle a été récemment la victime d’une gigantesque escroquerie organisé par un investisseur surnommé le Bernard Madoff égyptien.

samedi 5 septembre 2009

Rosita Serrano, le rossignol chilien






Combien d’artistes, en quête de gloire et d’argent facilement gagné, se sont fourvoyés en acceptant de se produire dans des films allemands pendant la seconde guerre mondiale, au risque de servir le nazisme? Depuis les années 20, Berlin était une plaque tournante du cinéma et un tremplin inévitable pour la notoriété et Hollywood. D’aussi grandes stars que Garbo, Dietrich, Pola Negri ou Ingrid Bergman étaient passées par cette étape avant d’être remarquées par des producteurs et devenir des stars de dimension internationale; on peut mieux comprendre pourquoi à la fin des années 30, une chanteuse aussi prometteuse que Rosita Serrano, le rossignol chilien, ait pu succomber aux sirènes de la gloire et se compromettre ainsi en se produisant dans un pays dominé par une dictature épouvantable, avant que le piège ne se referme sur elle.

Née en 1914 à Vina del Mar au Chili, Rosita Serrano est la fille d’un diplomate et de Sofia del Campo cantatrice soprano dont la carrière fut internationale. Dans les années 20, cette dernière s’était produite dans des salles aussi mythiques que la Scala de Milan, le Carnegie hall de New York ou la salle Pleyel devant Georges Clemenceau. Soucieuse de passer le flambeau, la chanteuse d’opéra fit prendre des cours de chant à sa fille. Mais très vite, il s’avéra que la petite, malgré sa voix cristalline et sa grande beauté n’avait guère d’attirance pour le chant lyrique. Aussi, lors de son passage dans la capitale française en 1936, Mme Del Campo renonça à son projet initial d’imposer sa fille sur les scènes lyriques pour démarcher dans le circuit des cabarets. Après avoir remporté un concours organisé par une radio parisienne, Rosita triomphe à Lisbonne en chantant des rumbas, en s’accompagnant à la guitare. Au passage, elle se fourvoie dans un film de propagande portugais sur la révolution de mai (1937) destiné à mettre en valeur les idées du dictateur Salazar, où elle interprète une chanson de sa composition.

Fraîchement divorcée, la jeune femme accepte en 1937 un engagement dans un cabaret berlinois, encouragée par le second mari de sa mère, d’origine allemande. Comme elle le signale dans sa biographie, Berlin était alors la Métropole de l’Europe et tous les espoirs étaient permis. Avec des chansons typiques comme la Paloma (fort jolie version d’ailleurs, avec une finale sur un rythme de cueca ) ou vieni, vieni de Scotto, Rosita obtient un succès extraordinaire. Avec ses longs cheveux bruns ornés d’une orchidée, sa guitare et ses roucoulades, la jolie chanteuse emballe le public allemand auquel elle apporte un vent d’exotisme dans une atmosphère particulièrement étouffante.
Très vite, elle enregistre en allemand (roter mohn), avec un succès remarquable. Celle que l’on surnomme la Lucienne Boyer chilienne n’a pas la voix feutrée de la fameuse chanteuse de charme parisienne mais une voix haut perchée et un répertoire qui la rapprochent davantage de Marie-José célèbre chanteuse de tango de jadis.
Le succès et la beauté de la brune chanteuse, réputée pour son tempérament fougueux , intéressent les studios de cinéma : elle parait dans Vedettes folies (1938) grande revue musicale à la Busby Berleley où beaucoup de stars allemandes font de courtes apparitions. Rosita y chante le chapeau de Molly pendant que la Jana danse de façon trépidante.
Elle interprète 3 chansons dans die Kluge schwiegermutter (1940) et 2 autres de meilleure facture dans la mélodie du cœur (1940), un film sentimental et musical mélancolique « non recommandé aux mineurs », dans lequel elle est davantage remarquée. Elle ferait également une courte apparence dans l’excellent Bel ami de Willi Forst (à vrai dire, je ne me souviens plus de sa présence) . Après avoir chanté dans la chauve souris, l’artiste confirme son succès dans l’opérette de Théo Mackeben « Anita und der Teufel » où elle crée Bei dir es war immer so schön, superbe romance et très gros tube (repris en France par Léo Marjane puis Gloria Lasso). Un film en sera tiré 8 ans plus tard avec Elfie Mayerhofer (amour diabolique). La chanteuse la reprend lors de sa tournée en France occupée pour les soldats de la Wehrmacht. Si Rosita a toujours déclaré ne pas s’intéresser à la politique, on ne peut que s’interroger sur sa présence dans des représentations plus que compromettantes ainsi qu’à des programmes radio destinés à encourager les soldats allemands .Certes, la guerre était brutalement arrivée avant que le moindre contrat pour les USA ne se concrétise , mais quand même… Il convient de préciser à cet égard que le Chili avait conservé de bonnes relations avec les puissances de l’axe et ce n’est qu’en 1943 que ce pays finit par rentrer en guerre contre l’Allemagne sous la pression des USA. A partir de ce moment, la donne change pour Rosita Serrano. Avec l’aide du roi Gustave VI de Suède, elle fuit l’Allemagne pour la Suède où elle participe à des galas de bienfaisance pour les réfugiés juifs. Acte sincère et courageux, tentative pour se racheter une conduite? En tous les cas, la chanteuse, qui avait déjà rencontré quelques soucis pour avoir interprété une chanson au titre anglais "how do you do" devient alors persona non grata en Allemagne où certains la soupçonnent d’espionnage : ses comptes bancaires sont bloqués, ses disques interdits, sa maison saccagée par la Gestapo et un mendat d'arrêt émis contre elle par Himmler, le ministre de l'intérieur.
En dépit de cette prise de conscience plutôt tardive, la chanteuse aura quelques difficultés à poursuivre son activité après guerre, notamment dans son pays où elle est vivement rejetée. Elle part en tournée pour la Grèce, l’Égypte et d’autres pays où sa réputation n’est pas trop entachée (avec un crochet par Londres en 1950 où elle enregistre les chansons du dessin animé Cendrillon). Mariée avec un millionnaire juif séfarade, l’artiste tente un come-back en Allemagne en 1951. Elle n’a rien perdu de sa beauté et de sa fascination et sa prestation dans le film « les yeux noirs »(1952) est sans doute le seul intérêt du film. Elle y chante un mambo avec beaucoup de fougue ainsi que la jolie prière de Boulanger, reprise plus tard par les Platters. La même année, elle parait dans une opérette filmée « saison à Salzbourg ». Cependant la concurrence est rude et la chanteuse ne fait plus le poids face aux nombreuses chanteuses internationales qui ont envahi depuis les ondes allemandes (de la belge Angèle Durand en passant par la suédoise Bibi Johns). Elle est même huée lors de son passage à un gala des artistes et perd son contrat avec la firme Telefunken. La chanteuse se produit ensuite à Buenos Aires (en tant que grande attraction internationale) puis aux USA (elle passera même au Ed Sullivan show), sans grand succès, avant de retenter un grand come-back en Allemagne en 1976 qui se soldera par un fiasco. Ses prestations télévisées fort décevantes sont démolies par la critique.
Remariée au dessinateur Will Williams, auteur de nombreuses affiches de films pour Hollywood (et considéré par John Ford comme le meilleur illustrateur), l’actrice qui se consacre à la rédaction de ses mémoires et à une vidéo documentaire sur sa vie, se partage entre les USA et le Chili où il lui arrive d’être reçue par le président Pinochet (encore un dictateur de triste mémoire!!), ce qui lui sera vivement reproché les dernières années de sa vie
Ruinée, la star des années 30, termine sa vie au Chili, dans l’oubli le plus total et décède en 1997, dans la plus grande précarité.
On peut entendre la voix du rossignol chilien dans les films « das boot »1981 et « la maison des étrangers » (1993). Une destinée étonnante qui laisse perplexe…