dimanche 15 février 2009

Lena Horne, la vénus de bronze





Les artistes blacks américains doivent une fière chandelle à la superbe chanteuse Lena Horne, qui fut la première à ouvrir une brèche aux artistes noirs dans un environnement raciste et frileux, où les comédiens noirs étaient condamnés à jouer des rôles de paysans ou serviteurs stupides.

Née en 1917, elle débuta très jeune au Cotton Club, comme danseuse et se fit remarquer très vite pour sa grande beauté et la finesse de ses traits. Ce music hall animé par des artistes noirs, haut lieu du jazz et de la prohibition a inspiré un film dans les annnées 80. Devenue chanteuse d'orchestre jazz, Lena parait d'abord dans un petit film produit uniquement pour un public noir, et dont l'audience dut être limitée. Après avoir connu le succés en enregistrant plusieurs disques avec un orchestre "blanc", elle est engagée par la MGM qui rencontre vite des difficultés avec la nouvelle artiste. Elle refuse impérativement de jouer les servantes ou les bonnes, seuls rôles que pouvaient tenir les noirs dans les films de l'époque. Lena Horne sera la PREMIERE star black glamour, 15 avant Dorothy Dandrige et Diahann Carroll, 30 ans avant Pam Grier. Toujours sexy et impeccablement maquillée et habillée, elle chante et enchante dans différentes productions MGM, toujours de courtes séquences susceptibles d'être coupées dans les états racistes où on ne supporte pas de voir une artiste black autrement qu'en tablier dans une cuisine.



En 1943, effort de guerre oblige, on lui offre 2 premiers rôles dans deux films à la distribution entierement black , le superbe "petit coin aux cieux" de Minnelli (vraiment adorable! Elle y tient le rôle de la tentatrice et n'a pas de mal à faire tourner la tête de little Joe malgré ses jambes arquées. Une scène où elle chante dans un bain moussant sera coupée du montage final, pour des raisons racistes semble-t'il) et le magique "Stormy weather"dans lequel chantent et dansent les meilleurs artistes nois du moment (ah! le numéro des Nicholas brothers!).
Elle y interprète avec beaucoup d'émotion et de feeling s'approprie définitivement la très célèbre chanson crée au coton Club par Ethel Waters (et reprise depuis dans X versions dont une en français par Marie Myriam). Afin d'apporter toute l'émotion requise, Bill Robinson lui avait conseiller de penser pendant le tournage de la séquence à un problème très personnel.
On pourrait passer en revue toutes les apparitions de la belle Lena en guest dans les prestigieux musicals que la Métro a produit dans les années 40 : ses passages comptent souvent parmi les meilleurs des films en question : je pense notamment à son Honeysuckle rose qu'elle susurre avec une élégance infinie dans la Parade aux étoiles(1943), sa troublante chanson Love, dans Ziegfeld folies (1945) où sa beauté irradie, et sa poignante version d'un air de Show boat dans la pluie qui chante(1946-peut être son meilleur moment de cinéma).
Elle rêvait justement de tenir le rôle de la jeune mulatre dans cette opérette et sera particulièrement vexée quand on le lui refusera (c'est sa grande copine Ava Gardner qui héritera du rôle).

Pendant la chasse aux sorcières, elle connait son lot de difficultés. On lui reproche également d'avoir épousé un chef d'orchestre blanc. Elle en profite pour faire une grande tournée en Europe. Grâce à une comédie musicale à Broadway (en 1957 avec R. Montalban), elle retrouve le succés aux USA. S'en suivront de nombreux 33T d'une Lena qui n'a cessé de progresser vocalement et artistiquement (parmi les meilleurs le superbe album : give the lady what she wants). La "tigresse" brille à la télé (shows avec Belafonte, Garland, Muppet Show...) et sur scéne (un triomphal one woman show à Broasway en 1981). Au cinéma on la retrouve dans un western avec R Widmark puis dans The Wizz avec Michael Jackson. Dans les années 90, elle chante encore aux USA (entre autres une poignante reprise d'"hier encore" d'Aznavour, à vous donner des frissons). Quel chemin parcouru aussi dans son interprétation des grands standards entre la version 1942 de stormy weather, émouvante et jazzy, mais très contenue et celle plus soul et "libérée" des années 80!

En résumé, une très grande artiste et humainement, une femme formidable qui a beaucoup milité pour la cause des noirs aux USA. Si les puristes de jazz, dans les dictionnaires spécialisés lui reprochent son manque de swing, c'est aussi qu'ils font une erreur considérable : ce n'est pas à proprement parler une chanteuse de jazz comme Ella Fitzgerald ou Sarah Vaughan, mais une fantastique chanteuse de variété de la trempe des Garland ou Sinatra, à la présence étourdissante. Elle vient de nous quitter en mai 2010.
Lena Horne chante "un jour mon prince viendra" de Blanche neige, version jazzy :

1 commentaire: